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> en Sologne, comme partout, non à la nature en cage !

Rédigé par webmestregg Aucun commentaire
Classé dans : nature Mots clés : aucun

               La Sologne est une région théoriquement naturelle, mais où, pour satisfaire des chasseurs milliardaires, les forêts sont grillagées et le promeneur est réduit à de carcérales balades entre deux clôtures. C'est moche et cela nuit à la biodiversité. En 2023, une loi à double tranchant a été votée : en même temps qu'elle limite les dimensions des grillages, elle punit d'une contravention l'accès aux domaines privés. Vu que c'est le cas des trois quarts de nos forêts, il y a de quoi limiter les excursions. En Sologne, comme un peu partout en France, des militants se battent contre les grillages et pour un libre accès à la nature.

           Ah, la Sologne ! Toute une mythologie y est attachée. Les amoureux des lettres se souviennent du Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier, ou de Raboliot, de Maurice Genevoix qui, à travers son héros braconnier. racontait « l'âcreté du terreau mouillé sur quoi fermentent les feuilles mortes, les effluves légers des résines, l'arôme farineux d'un champignon écrasé en passant ». Sauf que l’écrivain des poilus parlait des années 1920. Aujourd’hui, le promeneur ne peut plus avoir accès à ces merveilles. Sauf s’il est très friqué. Sinon, il voit surtout des grillages de 2 m de hauteur, des kilomètres et des kilomètres de grillages assortis de panneaux interdisant tout accès. C’est hideux et hostile, et il ne faut pas espérer pouvoir soulager vos intestins dans la forêt, et encore moins faire des galipettes sous un chêne, vu que le sous-bois est inaccessible. Pour les cerfs et les sangliers, c’est carrément Guantânamo. On estime qu’il y a près de 4000 km de clôtures dans cette région !

          Il est vrai qu’ici 90 % de la forêt est privée. N’empêche, il y a bien d’autres forêts privées en France (75% environ), et nulle part elles ne sont autant grillagées. Mais la Sologne a une particularité : c’est un fief de milliardaires. Parmi les propriétaires, on trouve Dassault, Bouygues, Vuitton, Bébéar, Provost (le coiffeur), Dessange (un autre coiffeur), Tranchant (les casinos), Forestier (les camions frigorifiques), et même, plus étonnant, l’animateur de télé Christophe Dechavanne... Les superficies de ces domaines vont jusqu'à plus de 2000 ha : ce qui. pour se faire une idée, représente environ trois fois la surface du domaine de Versailles.

             Heureusement, en Sologne, il n’y a pas que des milliardaires. Il y a aussi quelques rebelles, qui font un peu penser aux héritiers de Raboliot et plairaient à Maurice Genevoix. Ce sont les opposants à cette mise en cage de la nature. Tel Alain Beignet, ancien maire (PS) de Lamotte-Beuvron et photographe animalier, militant historique contre ce fléau : « L’engrillagement a commencé dans les années 1970. J'avais 14 ans quand j'ai écrit un article contre ça dans une revue naturaliste. Ce qui me dérange le plus, c 'est qu'il s ’agit d'une façon de dire : j'ai du pognon et je le montre. » Alain Beignet nous conduit à l’entrée d’un chemin. De part et d’autre, des grillages. De chaque côté, la forêt appartient au magnat du cheveu Provost. Mais le chemin, lui appartient à la commune, et si on n’est pas rebuté par l’esthétique carcérale, il serait possible de s’y engager. Or, nous dit Alain Beignet, « le panneau indiquant que c’est un chemin communal a été enlevé, et une barrière a été posée, ce qui est illégal ». Sur un autre sentier, même scénario, mais en plus les arbres sont flanqués de panneaux « Propriété privée défense d’entrer », qu’on pourrait interpréter comme une interdiction de s’engager sur le chemin, « et il y a aussi une caméra, illégale, puisqu’elle donne sur la voie publique ». Non seulement la nature est gangrenée par la propriété privée, mais le promeneur est incité à fuir l’espace public ! Notre guide tient à préciser qu'« on n'interdit pas la propriété privée, mais on n’est pas obligé d’arriver à un tel niveau d’exclusion. S’ils avaient du grillage jusqu’à 100m ou 150m autour de leur habitation, cela irait encore, mais en mettre tout le long, c'est un camp retranché et un carcan permanent ».

          TOUT ÇA POUR QUOI ? EH BIEN. LE BONHEUR DES CHASSEURS. Ou plutôt, disons-le carrément, des viandards. C’est Napoléon III, dans la seconde moitié du XIXe siècle, qui a lancé la mode de la chasse en Sologne. Un siècle plus tard, on sait que le président Giscard d’Estaing adorait y assouvir ses instincts de prédateur. Depuis les années 2000, de nombreux ultrariches lui ont emboité le pas. À deux heures de Paris, c’est pratique. Et en plus, servi sur un plateau, grâce aux fameux grillages. On entasse des animaux dans ces enclos, on les nourrit grassement, et les flingueurs débarquent (parfois en hélico) pour vider leurs chargeurs sur les pauvres bêtes. Des miradors sont même carrément installés au pied des clôtures, contre lesquelles les bêtes affolées cherchent vainement une issue quand elles ne se font pas tirer dessus, il arrive qu’en voulant franchir ces barrières elles se trouvent piégées dans les barbelés qui les surplombent, où elles agoniseront pendant des heures. Bref, de l’abattage pur et simple. Sans compter que c’est un juteux business pour les propriétaires, car une journée de chasse en Sologne peut coûter plusieurs milliers d’euros. C’est particulièrement abject, et cela nuit aussi gravement à la nature.

           Nous voici sur un autre chemin. À droite, il n’y a pas (encore) de grillage : le sous-bois est riche, varié, avec des fougères et de la mousse, vivant, en somme. Mais à gauche, le sentier est séparé de la forêt par une clôture : de l’autre côté, le sol est pelé et retourné comme un champ de bataille, quasi lunaire. Alain Beignet en donne l’explication : « C’est parce qu'il y a trop de gibier à l'hectare. Le sol est piétiné, et les sangliers mangent absolument tout, les plantes et même les batraciens, il n'y a plus aucune biodiversité. » Bien au-delà des terrains grillagés, tout l’environnement en souffre. Eh oui, car les clôtures empêchent les déplacements des animaux (sauf ceux des oiseaux), ce qui cloisonne des populations, réduit la diversité génétique, favorise la consanguinité, et donc les risques de tares et de maladies. D’ailleurs, les grillages sont en totale contradiction avec la législation sur les « continuités écologiques » destinée à « faciliter les échanges génétiques nécessaires à la survie des espèces » (article L371-1 et L371-2 du Code de l’environnement).

          Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les opposants aux grillages ne sont pas des écolos radicaux. Il est vrai que certains n’hésitent pas, parfois, à sortir des clous de la légalité, au nom de la légitimité environnementale. L’un, dont on taira le nom, nous avouera : « On venait le soir, on coupait le grillage et on s’arrangeait pour ne pas le cisailler en ligne droite, pour qu'il soit plus difficile à réparer. Parfois, on accrochait le grillage à des tracteurs pour en arracher un grand morceau. »

            En vérité, la plupart des opposants aux grillages sont eux-mêmes chasseurs. Et ce n’est sans doute pas étranger au fait que plusieurs d’entre eux ont refusé de parler à Charlie. Mais pas Jean-François Bernardin, qui préside l’Association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement (Acasce). Ce gaillard, sympathique octogénaire qui a fait fortune dans la grande distribution, n’en est pas à son premier combat pour l’environnement (il y a des années, il a milité contre la bétonisation des iles Lavezzi, dans le sud de la Corse). Après nous avoir fait visiter son domaine de 300 ha, où l’on a enfin pu admirer la beauté solognote d’un étang ensoleillé où nichent d’élégantes aigrettes, il nous reçoit dans son salon, où trônent des trophées de chasse : « La chasse est tolérable si les animaux sont libres. Mais dans des enclos, c'est un massacre. S’il n’y a plus de rareté ni d émotion, elle devient ce que la pornographie est à l érotisme : juste un tas de bidoche. »

          Un avis que partage son ami François Simonnet, vice-président de l'Acasce : « L’abattage d’animaux enfermés est contradictoire avec le côté aléatoire, qui est l’essence même de la chasse. Dans ces propriétés grillagées, ils peuvent liquider plus de 150 sangliers en une journée. » Ces viandards n’étant pas tous des Obélix capables d’avaler un sanglier entier, que deviennent les victimes du carnage ? « Une bonne partie part à l équarrissage, car la venaison est abimée à cause des projectiles. Parfois, les chasseurs creusent un trou et enterrent les animaux. »

           On peut, certes, être radicalement contre toute forme de chasse, mais il faut admettre qu’il y a une différence entre celui qui mange un animal qu’il aura longuement traqué, avec le risque de revenir bredouille, et le stakhanoviste de la gâchette, qui flingue des dizaines de proies quasi domestiquées n’ayant aucune chance de s’enfuir et dont il se débarrassera comme si elles étaient de vulgaires déchets. Jean-François Bernardin souligne aussi quelques incohérences de la législation : « Un arrêté du 1er août 1986 interdit d'utiliser des moyens qui servent à contrôler les déplacements des animaux. Il y a des gens qui ont été verbalisés car ils avaient posé de simples banderoles pour guider le gibier. Et on autorise des enclos avec quatre côtés : c'est totalement paradoxal. » À cela, il faut ajouter que depuis la Révolution française le gibier est déclaré res nullius. Traduction : il n’appartient à personne, il est donc à tout le monde. Rappelons qu’avant la Révolution le gibier était la propriété des nobles. Aujourd’hui, les grillages sont un moyen de revenir à l’Ancien Régime, avec les milliardaires en guise de nouveaux seigneurs. On pourrait croire qu’il s’agit d’une querelle opposant de petits chasseurs à d’ultrariches propriétaires. Pas seulement. Jean-François Bernardin tient à préciser qu'« il y a aussi des gars du coin qui clôturent leur domaine pour faire payer la chasse. Ce n ’est pas une opposition entre les petits et les gros, mais entre ceux qui aiment la Sologne et ceux qui la défigurent. »

          IL DEVRAIT QUAND MÊME Y AVOIR DES AMÉLIORATIONS. Une loi, proposée par le sénateur LR du Loiret de l’époque, Jean-Noël Cardoux, et adoptée en février 2023, impose que les grillages ne dépassent pas 1,20 m de hauteur et laissent une ouverture de 30 cm au-dessus du sol pour permettre le passage des animaux. D’ici au 1er janvier 2027, toutes les clôtures installées après 1993 devront être modifiées en conséquence. C’est l’aboutissement d’un long combat, et d’autres lois dans le même esprit avaient précédemment été soumises ou soutenues par des élus, de gauche comme droite (notamment Richard Ramos, député MoDem du Loiret, ou Bastien Lachaud, député LFI de Seine-Saint-Denis)... Mais il y a un très gros hic. Car. pour ne pas trop froisser les propriétaires, la loi s’accompagne d’une contrepartie : le franchissement de la limite d’une propriété privée sera désormais passible d’une contravention. Imaginez que vous vous promeniez dans la nature et que, sans le savoir, vous vous retrouviez dans une forêt privée. Eh bien, vous pourriez écoper d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros ! Les propriétaires rétorquent qu’au nom de la sacro-sainte propriété privée ils font bien ce qu’ils veulent chez eux. Sauf qu’il y a une différence entre clôturer son petit jardin et s’approprier des terrains grands comme plusieurs arrondissements parisiens.

          Ce n’est plus une histoire de « bons » ou de « mauvais » chasseurs, mais une question philosophique qui concerne tout le monde : le libre accès à la nature. Pourquoi celle-ci n’est-elle pas un bien commun dont tout un chacun peut disposer ? L’enjeu est d’autant plus important qu’on assiste à une « solognisation » galopante dans plein d’autres régions. Imaginez ce que deviendraient les monts cévenols, les prairies jurassiennes ou les vallées provençales couvertes de grillages ! Cela donne bien envie d’étre rousseauiste. Après avoir commencé notre balade en Sologne avec Maurice Genevoix, terminons-la avec Jean-Jacques Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : “ Ceci est à moi ”, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n 'eût point épargnés au genre humain celui qui. arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : " Gardez-vous d'écouter cet imposteur. ”. Mieux vaut les rêveries du promeneur solitaire que les délires du chasseur milliardaire. " ( par Antonio Fischetti )

POUR ALLER PLUS LOIN, à lire, une enquête exceptionnelle, extrêmement fouillée, sur l'appropriation de la Sologne par les milliardaires, signée du journaliste Jean-Baptiste Forray : Les Nouveaux Seigneurs (éd. Les Arènes, 2024). Merci à lui.

Ce que les milliardaires veulent, dieu le veut... Surtout qu'ils se considèrent comme de véritables seigneurs d'une royauté voire même d'une impérialité légitimée par leurs pouvoirs financiers dictatoriaux encageant aujourd'hui tous les pays. Le fric est roi et ils sont donc la noblesse ; tous les autres sont de vulgaires manants taillables, corvéables et rackettables à l'envie...