> l’industrie agrochimique fiche les personnalités critiques des pesticides et des OGM
Selon des révélations du «Monde» et du média d’investigation Lighthouse Reports, une plateforme baptisée «Bonus Eventus» recense des informations sur la vie privée des scientifiques qui documentent les ravages des pesticides.
C’est un vaste scandale lié à l’industrie agrochimique que révèle le Monde ce vendredi 27 septembre : des centaines de détracteurs de l’agriculture intensive, des pesticides et des OGM sont fichées par les géants de la chimie à usage agricole. Par le biais d’une plate-forme en ligne privée baptisée «Bonus Eventus», les cadres des principaux fabricants de pesticides et des biotechnologies ont accès, depuis plusieurs années, à un vaste fichier de ces personnalités «critiques» du secteur. Et tout y passe : divulgation d’adresse personnelle, de l’identité du conjoint, du numéro de téléphone, du nom des enfants, informations sur le patrimoine et les revenus, sur les éventuels antécédents judiciaires, et parfois des opinions politiques. Il y a aussi des informations trompeuses et malveillantes.
Un tel fichage, aussi vaste et précis, est inédit. « Cette base de données accumule les munitions, prêtes à être utilisées pour déstabiliser, décrédibiliser ou nuire », écrit le Monde, qui a collaboré avec le média d’investigation néerlandais Lighthouse Reports et plusieurs médias internationaux. Les documents internes de cette plate-forme indiquent que plus de 500 scientifiques, militants écologistes, journalistes ou encore experts des Nations unies figurent dans ce registre. Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle des «fichiers Monsanto», révélée en mai 2019, où l’on avait appris que la firme agrochimique avait établi une liste de plus de 200 personnalités françaises classées en fonction de leurs opinions sur les produits de Monsanto et de leur crédibilité dans le débat public.
Défense de l’agriculture intensive
Selon l’enquête du Monde et de Lighthouse Reports, l’accès à la plate-forme est contrôlé grâce à un identifiant et un mot de passe, attribués par v-Fluence, la petite entreprise de gestion de réputation qui pilote le système, spécialisée dans la défense des intérêts de l’agro-industrie, et les attributions de comptes se font sur cooptation. « Selon nos informations, environ un millier de personnes ont leur ticket d’entrée dans ce club très sélect, tout entier dévolu à la défense de l’agriculture intensive », écrivent les journalistes.
Officiellement, l’accès à cette plateforme est réservé à « tous nos clients, à nos partenaires, et à un réseau d’universitaires indépendants, de scientifiques, d’organisations non gouvernementales, de journalistes et d’autres experts intéressés par les domaines sur lesquels nous travaillons », explique Jay Byrne, ancien directeur de la communication de Monsanto, patron et fondateur de v-Fluence, interrogé par le Monde. En réalité, il s’agirait principalement de cadres de l’industrie agrochimique et semencière, de consultants en communication, de blogueurs, de lobbyistes, de responsables de l’administration américaine, et d’experts ou de scientifiques, souvent en lien avec des industriels. Alors que Jay Byrne affirme que toutes les informations référencées sont publiques, la plupart des personnalités à qui le consortium de médias a soumis leur fiche s’insurgent de la présence d’allégations fausses ou trompeuses.
Les juristes Hilal Elver et Baskut Tuncak ont tous deux été rapporteurs spéciaux des Nations unies de 2014 à 2020, respectivement sur le droit à l’alimentation et sur les substances toxiques. En mars 2017, les deux experts ont proposé qu’un « nouveau traité international réglemente et bannisse, au niveau mondial, l’usage des pesticides dangereux en agriculture », alertant sur les risques de « cancers, de maladies d’Alzheimer et de Parkinson, de perturbation hormonale, de troubles du développement et de problèmes de fertilité » causés par l’exposition chronique aux pesticides. Si le traité en question n’a pas vu le jour, les deux anciens experts de l’ONU sont désormais fichés. Dans le cas de Hilal Elver, son adresse personnelle a été divulguée, ainsi qu’une estimation de la valeur de son logement et des informations familiales.
« Essayer de saper la crédibilité des scientifiques qui se mettent en travers de leur chemin »
La plupart des personnes fichées sont des scientifiques qui documentent les dégâts des pesticides sur la santé et l’environnement. « L’une de leurs caractéristiques communes étant de s’exprimer publiquement sur la portée de leur travail. Conséquence : leurs fiches accumulent les rumeurs malveillantes sur leur intégrité scientifique », rapporte le Monde. A l’instar de Dave Goulson, professeur à l’université du Sussex (Royaume-Uni) et grand spécialiste de la biologie et de l’écologie des pollinisateurs. Selon lui, ce fichage « fait partie de la boîte à outils bien connue des fabricants de pesticides, d’hydrocarbures ou du tabac » pour « essayer de saper la crédibilité des scientifiques qui se mettent en travers de leur chemin », affirme-t-il, peu surpris d’avoir une fiche à son nom puisqu’il alerte sur les effets catastrophiques des pesticides sur les pollinisateurs.
Plusieurs avocats estiment que le fichage pratiqué par Bonus Eventus contrevient à plusieurs législations nationales et en particulier le règlement général de protection des données européen. - source -
Pourquoi l’industrie agrochimique se gênerait-elle ? Elle sait très bien qu'elle a le soutien très accommodant de cette union européenne de merde, et de la macronie en France, pour agir en quasi-impunité. Après, si des tels fichiers sont illégaux en Europe, il suffit de les mettre à Antigua-et-Barbuda ou à Trinité-et-Tobago...