> face au VIH, la PrEP concerne aussi les hétéros
La Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, est l'occasion de faire le point sur la PrEP, un moyen de prévention très efficace contre le VIH, mais encore trop peu utilisé en France.
« L'épidémie de VIH/sida n'est toujours pas contrôlée en France. S'il y a eu une diminution des cas ces dernières années, nous constatons aujourd'hui un rebond. Il y a toujours des patients hospitalisés pour un sida et des décès. Un trop grand nombre de nouveaux cas d'infections par le VIH sont rapportés en France chaque année », déplore le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Saint-Louis et à l'hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris.
Oui, nous sommes bien en novembre 2024 et ce n'est pas parce qu'on en parle moins et qu'il n'y a plus de campagnes de prévention nationales grand public, que le VIH ne circule plus. En 2023, en France, 5.500 nouveaux cas d'infection par le VIH ont été rapportés, d'après les données de Santé publique France. Parmi ces cas et loin des clichés stigmatisants faisant de l'infection au VIH une problématique réservée aux hommes gays, bi et pan, on retrouve un grand nombre de femmes et d'hommes hétérosexuels.
L'utilisation du préservatif continue de diminuer
Dans le même temps, en France, tous les indicateurs pointent vers un délaissement du préservatif toutes générations confondues. L'enquête « Contexte des sexualités en France 2023 », menée par l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes et l'Inserm et publiée le 13 novembre, établit notamment que seulement 49,4% des femmes et 52,6% des hommes ont utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel avec un·e partenaire rencontré·e dans les douze derniers mois. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est parmi les plus de 40 ans, qui ont pourtant connu le pire de l'épidémie de VIH-sida et les slogans «sortez couverts», que l'on se protège le moins.
Alors, on pourrait blâmer celles et ceux qui ont délaissé le préservatif. (Et à vrai dire, c'est surtout aux pouvoirs publics qui méprisent l'éducation à la sexualité et ont cessé les campagnes de prévention que j'aurais des choses à reprocher.) Mais la culpabilisation en matière de réduction des risques est, on le sait, assez inefficace ; d'autant plus que le préservatif n'est pas l'unique moyen de se prémunir contre l'infection au VIH. Si vous pensez que je vais vous parler d'abstinence, c'est que vous ne connaissez pas la PrEP (acronyme de l'anglais «pre-exposure prophylaxis», soit «prophylaxie pré-exposition»).
Un outil extrêmement efficace contre le VIH
«Prophylaxie» signifie que le traitement permet d'éviter une infection et «pré-exposition» veut dire qu'il doit démarrer avant un éventuel contact avec le VIH. « La plupart des gens ne savent pas que la PrEP existe, qu'elle est gratuite et disponible », regrette Jean-Michel Molina. De fait, un sondage Ifop réalisé en octobre 2023 pour l'association Vers Paris sans sida montrait qu'à peine un tiers des Franciliens connaissent la PrEP (31%), que 12% savent «précisément de quoi il s'agit» et que 69% ne la connaissent pas. C'est particulièrement chez les hétéros que l'ignorance règne parce que les hommes gays, bi et pan ont bien intégré ce traitement. Ces derniers représentent d'ailleurs près de 95% des personnes qui ont recours à la PrEP, alors même que celle-ci n'a ni genre ni orientation sexuelle.
Aujourd'hui, alors que la Haute Autorité de santé (HAS), l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes et le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) pressent à élargir la prescription de la PrEP à l'ensemble de la population à risque d'exposition au VIH, une mise à jour s'impose. « Comme en matière de contraception, l'important, c'est que les gens se protègent, rappelle Jean-Michel Molina. S'ils n'utilisent pas de préservatif, ils peuvent choisir d'autres options disponibles, en fonction de ce qui leur convient le mieux, quitte à changer d'option au fil du temps. »
Globalement, si vous avez plusieurs partenaires, que vous êtes dans une période de votre vie durant laquelle vous faites beaucoup de rencontres, la PrEP est une solution à envisager. Cela est particulièrement vrai si :
- Vous ne portez jamais ou quasiment jamais de préservatif ;
- Vous l'oubliez régulièrement dans le feu de l'action ;
- Vous voulez une protection «ceinture et bretelles» avec PrEP et capote ;
- Vous avez déjà eu recours au traitement post-exposition (TPE) ou avez eu une ou des infections sexuellement transmissibles (IST) au cours des derniers mois ;
- Votre (vos) partenaire(s) refuse(nt) de porter un préservatif ;
- Vous craignez que votre (vos) partenaire(s) oublie(nt) le préservatif, voire le retire(nt) à votre insu ;
- Il vous arrive de consommer des drogues injectables ;
- Il vous arrive de faire du sexe sous substances.
En revanche, il faut absolument le répéter, nul besoin de prendre la PrEP si votre partenaire vit avec le VIH et que ses traitements sont efficaces. Si sa charge virale est indétectable, il ou elle n'a aucun risque de transmettre le virus. C'est le «I = I» («indétectable = intransmissible).
La PreP en pratique
Concrètement, la PrEP consiste en la prise orale d'un comprimé (le Truvada ou ses génériques), soit tous les jours en continu, soit à la demande sur deux ou plusieurs jours – une modalité aujourd'hui réservée aux personnes qui ont un pénis, mais cela pourrait évoluer, nous a précisé Jean-Michel Molina. Ce traitement offre une protection extrêmement fiable et efficace contre l'infection au VIH et est relativement bien toléré, même si des effets indésirables, notamment d'ordre digestif, peuvent survenir au début.
La plus grosse contrainte est qu'il ne faut pas oublier de prendre son traitement. Il existe des applications très bien faites pour cela : je vous recommande celle, gratuite, développée par l'associations Actions Traitements. Et on attend, pour celles et ceux qui peinent à observer un traitement quotidien par voie orale, la validation de la PrEP injectable qui permettra de se prémunir contre le VIH grâce une injection tous les deux ou six mois.
Obtenir la PrEP est désormais quelque chose d'aisé : vous pouvez vous la faire prescrire par votre médecin traitant ou par un·e gynécologue. Il est aussi possible de consulter un·e infectiologue en ville ou à l'hôpital, ou bien encore de vous rendre dans un centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) ou dans un centre de santé sexuelle.
Il faut le dire aussi : si la PrEP est très efficace contre l'infection au VIH, elle ne protège pas des autres IST. Rappelons que le préservatif n'est pas une cape d'invisibilité car si, lorsqu'il est bien mis, il est très efficace contre le VIH et les hépatites, il ne l'est que partiellement contre la chlamydiose, la gonorrhée (gonocoque), la syphilis, l'herpès, le Mpox (Monkeypox, auparavant appelé « variole du singe ») et pas du tout contre le papillomavirus humain (HPV).
En outre, prendre la PrEP, c'est aussi devoir faire un dépistage des IST tous les trois mois et bénéficier d'un suivi très serré en cas d'infection à une IST. « Les personnes qui prennent la PrEP sont bien informées et se font dépister régulièrement. Elles sont aussi mieux et davantage traitées », insiste Jean-Michel Molina. Préoccupé par la mauvaise image qu'a parfois la PrEP, l'infectiologue parisien poursuit : « Si on critique la PrEP, soyons cohérents et arrêtons les recherches sur le vaccin contre le VIH. Pour les femmes cisgenres, cela me fait penser aux discours que l'on a pu, dans des temps pas si lointains, entendre à propos des femmes “de mauvaise vie” qui ont voulu utiliser des contraceptifs afin de pouvoir gérer elles-mêmes leur corps et leur grossesse. »
« Beaucoup de personnes qui ont des idées très claires et très arrêtées sur les IST ou sur les rapports sexuels n'ont elles-mêmes plus beaucoup de rapports sexuels et ne sont peut-être pas les plus concernées, conclut Jean-Michel Molina. Il faut se mettre à la place de celles et ceux qui ont des rapports sexuels aujourd'hui, avec des partenaires différents, et voir comment les aider à ne pas se faire contaminer par le VIH. »
Je l'ai déjà écrit dans ces colonnes : face aux IST, à chacun·e sa méthode de prévention et de réduction des risques. L'important est de trouver ce qui vous convient le mieux, que ce soit le combo PrEP + capote, le 100% capote, la PrEP, sans oublier, dans votre boîte à outils, les dépistages réguliers, les vaccinations et le traitement post-exposition (TPE). - source -
Voilà, vous êtes informé...