l'union européenne et la finance sont les ennemis cupides, perfides et impitoyables de ses populations surexploitées...



Les chômeurs forment l'armée de réserve du capitalisme - Karl Marx

> que sera la médecine française dans quelques années ?

Rédigé par webmestregg Aucun commentaire
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          ne nous leurrons pas, avec le libéralisme de style macroniste de plus en plus désinhibé, on va droit à la catastrophe comme en Grande-Bretagne ; continuez donc à voter pour une des droites ou pour un faux parti de gauche...

La médecine britannique en soins palliatifs

          Je n’étais pas du tout partie au Royaume-Uni pour faire un reportage sur leur hôpital public. J’étais partie en tournée pour un de mes bouquins traduit là-bas. Sauf que pendant mon séjour, tout le monde ne m’a parlé que de l’hôpital.

          L’attachée de presse de ma maison d’édition, une trentenaire en pleine forme, a acheté avec son compagnon une maison à deux heures de Londres (parce que même avec leurs bons salaires, la capitale reste inabordable). Ils se sont lancés dans des travaux jusqu’à prendre conscience que s’ils tombaient de l’échelle ou se blessaient avec un outil, aucune ambulance ne viendrait les chercher.

         La tante de cette même attachée de presse est tombée dans sa maison de septuagénaire aisée. Elle est restée onze heures au sol, puis, quand une ambulance a fini par venir, quatorze heures dans un couloir, avant d’être renvoyée chez elle avec une attelle et pas d’autres soins, même pas de radio. Il n’y a pas de kiné, pas de rééducation, pas de suivi à l’hôpital, et le privé est soit extrêmement cher, soit tout simplement inexistant. Le démantèlement de l’hôpital public s’est fait si rapidement que le privé n’a pas suivi.

          La mère d'un ami psychanalyste est morte d’un cancer dans des conditions moyenâgeuses. Il faut deux médecins pour le protocole morphine, et pendant ses dix jours d’agonie, il n’y avait qu’un médecin, lui-même déjà débordé. Elle est morte dans d'atroces souffrances, entourée par ses fils désemparés et horrifiés.

          Un de mes amis écrivains, célèbre et célébré, a fait une mauvaise chute. Sa moelle épinière est gravement endommagée. De retour en Angleterre après avoir été correctement soigné en Italie, voilà quatre mois qu’il est parqué dans une chambre d'hôpital, en attente d’une chambre en secteur neurologie, dont il a urgemment besoin, mais il n’y a ni place ni neurologue. Il ne peut pas s’alimenter seul, et sans des proches qui viennent le nourrir, il serait mort de faim, faute de personnel.

          Un autre ami cherche à faire soigner sa fille de 15 ans suicidaire. Il n’y a rien. Rien. Deux ans de liste d'attente. Qu’est-ce qu’on dit à une adolescente qui ne veut pas vivre, face à l’infini de deux années ? Quelques cliniques privées viennent d’ouvrir, mais elles sont peu fiables, par leur nouveauté même, et parce que les salaires versés aux praticiens restent décourageants : ils s’en vont, et les gosses restent seuls face à un monde dont ils retiennent qu’on ne peut pas lui faire confiance. « On avait le pire gouvernement, me dit cet ami, mais celui-ci est encore pire. »

         Une autre amie a choisi d’accoucher de ses trois bébés à la maison, parce que l’hôpital « tue les mères et les bébés ». Je trouvais ça exagéré, mais quand on regarde les chiffres, en effet, ça fait peur : la mortalité maternelle est en moyenne trois fois celle de la Norvège, la mortalité infantile à la naissance deux fois celle du Japon. Dans les classes défavorisées, le risque de mourir à l’accouchement fait plus que doubler.

          Sur tout le territoire britannique, de nombreuses librairies indépendantes ont ouvert ces vingt dernières années (et ça, c’est une bonne nouvelle). Mais dans le nord de l’Angleterre, les boutiques de centre-ville sont en majorité des charity shops et des magasins «onepound », où tout est à 1 livre - un peu plus de 1 euro. On y trouve de la nourriture impossible : des canettes de «viande» à 80 % de matière grasse, des lots de chips façon polystyrène, des sodas au bidon. Ces villes du Nord où je cause sont en général des villes universitaires, avec un public d’étudiants qui restent quelques années puis repartent. La rue donne le spectacle vertigineux de deux humanités : les jeunes riches et les adultes pauvres. À 11 heures ou 15 heures, à ces heures où seuls sont dehors les écrivaines en goguette et les chômeurs ou sans-abri, les adultes sont tous déglingués, édentés, s'appuyant sur des cannes ou des déambulateurs. Quand la misère se voit sur les corps, dans un État qui se veut moderne, c’est la honte absolue, c’est le massacre que produit le libéralisme désinhibé. Et mes copains de l'upper class se retrouvent eux aussi sans solution quand ils ont un pépin de santé...

         J’ai fini ma tournée en me disant : « Surtout ne te casse pas la gueule», parce que j’avais bien conscience qu’il me faudrait alors clopiner jusqu’à l’Eurostar pour me faire soigner en France... tant que c’est possible. - Marie Darrieissecq -