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> lettre ouverte de Louise Michel à M. Emmanuel Macron

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Monsieur le Président,

          J’ai appris que vous m’aviez incluse dans une liste de dix femmes que vous souhaitez honorer parce qu’elles ont contribué, par leur rôle et leur engagement, à la lutte pour les droits des femmes. Vous avez déclaré : « Aujourd’hui, c’est dans les pas de ces combattantes que nous nous engageons avec humilité. »

          Ce n’est pas moi qui vais juger les autres femmes que vous avez choisies, mais je réclame le droit de juger ma place parmi elles, ou plutôt le fait que vous m’ayez assignée à cette place.

          Je voudrais tout d’abord vous rappeler que j’ai été à plusieurs reprises condamnée par la justice française pour « outrage à agents », « manifestation des sans-travail (pillage des boulangeries) », « excitation au meurtre », etc.

          Mais surtout, j’ai été condamnée, le 16 décembre 1871, à la déportation à perpétuité dans une enceinte fortifiée, pour avoir participé à la Commune de Paris. J’avais reconnu tous les faits qui m’étaient reprochés : participation à l’assassinat des généraux Clément et Lecomte, aux incendies de Paris, tentative d’assassinat d’Adolphe Thiers, chef du gouvernement, puis Président de la République, et, ultime crime, port de costume d’homme.

          J’ai alors déclaré au tribunal, le commissaire de la République ayant demandé la peine de mort pour moi : « Il faut me retrancher de la société ; on vous a dit de le faire ; eh bien ! le commissaire de la République a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame une part, moi ! Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la commission des grâces… [le président m’ayant menacée de me faire taire, j’ai conclu :] – J’ai fini… si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi… »

          N’ayant finalement pas été condamnée à mort, j’ai été déportée en Nouvelle-Calédonie. J’y ai passé neuf années. Une révolte des Kanaks ayant eu lieu en 1878, j’ai pris fait et cause pour eux. Leur situation de colonisés leur donnait le droit de se révolter contre une république soi-disant civilisatrice, qui visait en fait à l’exploitation et à la destruction de leur civilisation.

          S’agissant des femmes, puisque c’est là votre but affiché, je voudrais vous rappeler ce que je pense de ce problème. Vous et vos serviteurs vous vantez d’avoir fait accéder aux postes de députées, sénatrices, ministres, et peut-être un jour présidente de la république, des femmes longtemps exclues de ces fonctions. Or, j’appartiens à un courant de pensée qui souhaite l’abolition de toutes les fonctions dirigeantes, et j’écrivais à ce sujet : « Si elles allaient vouloir gouverner !’’ Soyez tranquilles ! Nous ne sommes pas assez sottes pour cela ! Ce serait faire durer l’autorité ; gardez-la, afin qu’elle finisse au plus vite ! »

          Une autre phrase que j’ai écrite résume ma pensée : « Le pouvoir est maudit. » C’est-à-dire que vous êtes maudits, hommes et femmes de pouvoir, au premier rang desquels vous, Monsieur le Président.

          Je fis un jour suivre un article du Gaulois qui détaillait dans les années 1890 la manière dont le gouvernement allait réprimer des manifestations (mobilisation massive de policiers, de soldats, arrestations, etc.) de l’explication suivante : « Jupiter, disaient les Anciens, aveugle ceux qu’il veut perdre – le Jupiter qui aveugle nos dictateurs, c’est la folie du pouvoir. »

          Et encore, ayant reçu une lettre de quelqu’un qui me disait que c’était « une folie de refuser les candidatures de femmes », j’ai fait ce commentaire : « Je ne sais pourquoi j’incline à penser que cette lettre est l’œuvre d’un homme espérant peut-être voir sa femme devenue ministresse le remorquer, ou étant tout simplement jaloux que nous n’ayons jamais contribué nous autres femmes à peupler d’imbéciles les parlements. »

          Pour conclure, je voudrais rappeler les paroles de mes sœurs communardes de la Fédération syndicale des ouvrières, dans une « Adresse au comité central des citoyennes », datée du 11 mai 1871 : « [la Commune], représentante du grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, par là même, est engagée à tenir compte des justes réclamations de la population entière sans distinction de sexe – distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel reposent les privilèges des classes gouvernantes […]. Nous voulons le travail, mais pour en garder le produit. Plus d’exploiteurs, plus de maîtres. […] L’organisation du travail féminin, au moyen d’associations productives libres, […] soustrayant le travail au joug du capital exploiteur, [permettant] l’anéantissement de toute concurrence entre travailleurs des deux sexes, leurs intérêts étant absolument identiques et leur entente solidaire étant de rigueur pour le succès de la grève définitive et universelle du travail contre le capital. »

          Vous comprendrez, dans ces conditions, que je ne souhaite pas être l’objet de votre hommage. Et je ne vous autorise pas à vous engager, fût-ce avec « humilité », dans mes pas.

J’ai bien l’honneur de vous saluer.

Louise Michel - source -