l'union européenne et la finance sont les ennemis cupides, perfides et impitoyables de ses populations surexploitées...



Dur de vibrer pour des lendemains qui chantent quand on sait qu'on ne fera pas partie de la chorale - Guy Bedos

> scène ordinaire dans un pays sous le joug d'une dictature...

Rédigé par webmestregg Aucun commentaire
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Bure dure, dure !

          Quand 200 clampins se réunissent là où sera creusée la mégapoubelle atomique de Bure, les gendarmes font des heures sup. Scènes de flicage ordinaire.

          Plein soleil, 11 heures du matin. On file sur une étroite route de campagne entre deux champs de colza d’un jaune éclatant. Tiens ! une voiture de gendarmes sur le bas-côté. Pas loin, dans une prairie, un vélo couché dans l'herbe. Tout près, un gendarme maintient par l’épaule une cycliste, qui crie : « Mais lâchez-le ! » Elle montre un homme face contre terre, hurlant: « J’ai mal ! Vous me faites mal au dos ! », sur lequel un autre gendarme pèse de tout son poids. Et lui crie : « Ta gueule ! » Cette irruption de violence au milieu de pâtures désertes: surréaliste. L’impression d’être projeté dans un épisode de « Twin Peaks », de David Lynch. Un troisième gendarme nous explique ce qu’il s’est passé : il a voulu contrôler l’identité de la jeune cycliste, elle s’est enfuie à travers champs avec son vélo, il s’agit d’un refus d’obtempérer.

          Deux heures plus tard, les deux dangereux promeneurs arrêtés sont purement et simplement relâchés. L’ordre républicain a encore triomphé.

          Où ça se passe? A Bure (Meuse), où se déroulaient, du 17 au 23 avril, les rencontres printanières antinucléaires et antiautoritaires. La cycliste et ses amis se rendaient à l’ancienne gare de Luméville-en-Ornois, une vieille bâtisse retapée par les militants, qui l’avaient rachetée en 2008, avec ses 8 ha. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), aux manettes du futur dépotoir de déchets nucléaires, compte les exproprier bientôt. Elle est sur les dents. Ces quelque 200 anti-nucléaires rassemblés ici : des écoterroristes, forcément ! Il faut les intimider, les fliquer, les contrôler, les ficher.

           La veille, autre scène. Une trentaine d’entre eux viennent de faire une balade à pied autour de l’« emprise Cigéo », les quelque 665 ha acquis en surface par l’Andra pour installer la poubelle nucléaire où elle compte enfouir, pour les 100 000 années à venir, les déchets les plus hautement radioactifs du pays. Soudain surgit dans le ciel un hélico. A basse altitude, durant de longues minutes, il décrit de lents cercles bruyants autour du petit groupe. Flicage, filmage, fichage.

Gendarmes en période déchets

           Le lendemain, autre scène. Joyeuse ambiance dans un van bariolé, marqué d’un énorme « AtomikTour ». Six personnes à bord. Derrière, deux voitures pleines : parti de Bure, le convoi file en direction du bar associatif Les Trois Vallées, le seul bistro du village de Tréveray, où a lieu une soirée karaoké. « Tiens, y a une troisième voiture qui nous suit », rigole celle qui conduit. Dix minutes plus tard, cette voiture actionne son gyrophare. Le van s’immobilise. Contrôle des papiers. « Montrez-moi votre réquisition », demande la conductrice. Elle connaît son droit sur le bout des doigts. Les trois jeunes gendarmes, visiblement pas. La cherchent. Finissent par la montrer sur leur portable. La conductrice éclate de rire : sur la liste des villages où des contrôles sont spécialement autorisés cette semaine figurent tous ceux qu’on vient de traverser depuis Bure, mais pas Hévilliers, où nous sommes ! Elle leur explique qu’ils sont hors la loi. Le jeune gendarme ( ils le sont tous et semblent tout juste sortis de formation) s’énerve : « Descendez du véhicule. » Elle lui rit au nez. Lui : « C’est un refus d’obtempérer, je vais vous mettre en garde à vue ! » Vaine menace. Il n’en a pas le droit. Appelée à la rescousse, une deuxième voiture de gendarmes apporte une réquisition, sur papier cette fois, mais toujours sans le nom d’Hévilliers. La conductrice la photographie. On lui demande son permis. « C’est ça qu’on vous apprend, à l’armée ? A contrôler sans raison des citoyens qui vont à une soirée karaoké ? C’est ça, l’ordre républicain ? » Penaud, le gendarme lui rend son permis. En quelques mots, elle envoie le récit de l’affaire sur Info-Traflic, un numéro de téléphone qui permet aux participants de se tenir mutuellement au courant des activités fliquesques. De ces récits ils feront des sketchs pour tourner la répression en dérision.

           Des épisodes gentillets du même tonneau, il y en a eu deux ou trois douzaines au cours de cette semaine. Le chantier n’a pas encore commencé. Il est prévu pour durer au moins 150 ans. - J.-L. P. -